Doit-on subventionner les ONG pour “contrebalancer l’influence du secteur privé” ?

Chargé de soutenir des projets environnementaux au nom de la Commission européenne, le programme Life est très critiqué par les conservateurs européens, notamment en Allemagne. L’exécutif européen est accusé de profiter de cet instrument financier pour promouvoir sa politique climatique.
La Commission européenne aurait “secrètement” payé, en 2023, des organisations non gouvernementales (ONG) pour les aider à mener des actions contre des entreprises allemandes. C’est en tout cas ce qu’affirme Welt am Sonntag dans une longue enquête. “L’objectif : faire adhérer le grand public à la politique environnementale de l’Union européenne (UE), assure le journal conservateur d’outre-Rhin, qui a eu accès à des documents jusqu’ici confidentiels. Une opération financée à hauteur de plusieurs millions d’euros grâce à l’argent du contribuable.”
Le titre donne l’exemple de l’ONG ClientEarth. Cette dernière a reçu 350 000 euros alors qu’elle souhaitait engager des poursuites judiciaires contre des centrales à charbon allemandes, afin de faire pression sur leurs exploitants. D’autres groupes militants ont été soutenus financièrement pour des campagnes de lobbying portant sur l’arrêt de l’utilisation des pesticides ou encore sur les négociations de l’accord de libre-échange avec le Mercosur, pourtant soutenues par la Commission européenne. “Certaines ONG ont reçu jusqu’à 700 000 euros.” Et “[une partie de] la classe politique réclame désormais davantage de transparence sur les relations [de Bruxelles] avec les associations de défense de l’environnement”.
Ces révélations doivent être nuancées. Le quotidien berlinois pointe du doigt le rôle du programme Life. Or la création de cet instrument financier de la Commission européenne destiné au soutien de projets en lien avec l’environnement et le climat a été validée par le Parlement en 2020. L’objectif ? “Une meilleure représentation des intérêts publics dans le débat législatif afin de contrebalancer l’influence du secteur privé, dont les moyens financiers sont généralement bien supérieurs”, lit-on dans la version européenne du média américain Politico.
Les appels à projets du programme sont publics. Les ONG choisies doivent en revanche transmettre de manière confidentielle le détail de leurs actions à la Commission européenne afin d’obtenir une dotation. C’est ce point précis que dénoncent les conservateurs, pour qui “ces feuilles de route peuvent s’apparenter à des ‘consignes’ de la Commission, car on y trouve parfois la description des opérations séduction qui seront mises en œuvre : entrevues avec des représentants des institutions européennes et des eurodéputés, organisation d’événements, campagnes de communication sur les réseaux sociaux, etc.”.
La Commission, elle, assure que “ces programmes de travail sont constitués exclusivement par les ONG, sans son intervention”. Ce que semble confirmer l’analyse menée par Politico Europe de 28 contrats passés avec des ONG. “Les associations ont une soixantaine de pages de clauses à respecter, notamment en matière de fraude, de corruption et de désinformation […] Mais dans ses contrats, la Commission ne mentionne aucune obligation de promouvoir le Pacte vert, ni de cibler certains eurodéputés ou services de la Commission en particulier pour obtenir des financements.”
Courrier International